Ecrits

Extraits d’écrits du livret José Castillo paru en 2022 ( en vente sur le site)

José Castillo : un art différent

Dire que l’œuvre de José Castillo est captivante illustre une appréciation générale et notre réaction lorsque son tableau nous a été révélé. Cela s’est passé très récemment. Nous connaissions José Castillo, vivant et travaillant à Paris, son talent caribéen et universel, cette symbiose entre identité créole et formation académique. Mais nous n’avions pas eu l’occasion de nous familiariser directement avec son iconographie. Le premier regard sur son œuvre nous a donné une sensation globale de fraîcheur, d’humour, de poésie, et en même temps une démarche énergique, créant son propre monde, communiquant une joie singulière. Si José Castillo subvertit délibérément les canons académiques, apparemment, nous voyons et lisons un souci constant de l’espace, du déroulement compositionnel, de la perspective comprimée ou décompressée… Nous regardons et admirons la solidité et la précision de son dessin, que la couleur contrastée et lumineuse ne cache pas mais souligne, avec le soin de l’exécution à l’huile, toujours, instrumentant une figuration fantastique. Ce n’est pas du surréalisme : José Castillo nous offre son propre discours, sa propre réalité qui combine vision mythique et mystique, paysages et portraits d’intérieur, fusion ethnique et historique. Scènes et scénarios dépassent le quotidien sans l’oublier, depuis les personnages souvent hagiographiques et chimériques, jusqu’à l’environnement proche, vital, peuplé, fabuleux. Ces fables visuelles sont ludiques – invitant au sourire – et sérieuses – revendiquant les origines dominicaines et le métissage. Nous considérons particulièrement intéressante, dans plusieurs tableaux, la profusion de créatures humaines, animales et végétales, en dehors des protagonistes principaux, qui appelle à la contemplation, à la réflexion et à l’interprétation, si l’on veut aller au-delà du plaisir instantané et de « l’enchantement ». Nous concluons ainsi un texte, aussi bref que nécessaire, et nous espérons que les visiteurs découvriront – comme nous – la force et l’originalité de la peinture de José Castillo.

Marianne de Tolentino – Critique d’art –
Directrice de la Galería Nacional Bellas Artes de Santo Domingo


La magie de notre africanité

Hommage à José Castillo (Chichi)

(Extrait)

« …..il était clair pour moi qu’il possédait une formation politique et intellectuelle très affirmée et qu’il était très lucide sur son héritage africain et les maltraitances subies par notre peuple à travers notre histoire. Castillo était un artisan passionné et protecteur de notre africanité et il était évident, bien sûr, que sa production artistique serait imprégnée par la magie de l’expressionnisme religieux et philosophique de notre négritude. Et cela dans un
pays où un bon nombre de ses intellectuels se vante d’assurer l’inexistence de préjugés raciaux. Or Castillo, homme noir conscient de son africanité, avait vécu dans sa propre chair, la différence entre le discours bienfaisant racial et la réalité cruelle sociopolitique de l’être noir dans la société dominicaine. »

Dio-genes Abréu
20 mars 2022
New York


…Toute son œuvre

« …toute son œuvre se lit comme une mise-en-scène répondant à une logique subliminale, analogue d’une littérature qui ne connaît aucune loi, si ce n’est celle du rythme auquel toutes les parties de l’ensemble s’accordent pour jouer leur destin respectif. Que l’on songe, en effet, à Vie et mort d’un apprenti sorcier, de Marcio Veloz Maggiolo, écrivain dominicain que José tenait en grande estime, pour renforcer notre subjugation devant une telle frénésie de signes cabalistiques, dessins végétaux, symboles inintelligibles ou formes géométriques et autres chimères anthropo-zoomorphes, sorties d’un bestiaire que l’on dirait inspiré du « Jardin des délices« . Nous sommes ici en présence d’un monde où le décentrement du regard induit par cette élucubration formelle, occupant la totalité de l’espace pictural, permet à notre acte perceptif d’accéder non plus à une unité centrale, à partir de laquelle tous les éléments seraient ordonnancés hiérarchiquement, mais plutôt à une dynamique globale, portée également et librement par chacun d’entre eux.

Si l’iconographie renvoie irrémédiablement au symbolisme vaudou, il serait toutefois injuste d’en circonscrire la portée à une culture singulière, car, au-delà du particularisme plastique que José Castillo nous donne à voir, il s’agit bien plus d’ouvrir une fenêtre sur l’autre du même que recèle notre inconscient collectif. »

Bénédicte Auvard


JOSÉ CASTILLO ET L’ART DU SACRÉ

(extrait)

« ….. A la croisée des chemins, à la croisée des routes, à la croisée des races (ce
mot peut-il encore exister en Amérique ?), sa peinture célèbre aussi – car il
s’agit d’une célébration poétique, narrative, hallucinatoire – la rencontre
violente des conceptions de trois continents dont aucun peut-être n’imaginait
l’existence de l’autre, des autres. La rencontre s’est soldée par une rupture de
l’histoire, par des millions de vies fragmentées, disséminées, par des familles
entières détruites, par des langues, des habitudes, des rites, des croyances
abandonnées de gré ou de force. »

Rosa GUIMARÃES


Texte de Gaston DIEHL – 1988

« Ce qui m’a impressionné dans le travail de José Castillo et ce qui fait son originalité,
c’est l’alliance entre l’expression de survivances espagnoles, très présentes à St-Domingue, et celle de réminiscences africaines, origine lointaine que l’artiste retrouve peut-être un peu confusément mais de manière très authentique.

Il existe une réelle harmonie entre les deux ; une harmonie dans une dynamique très forte qui se lit simultanément dans l’organisation de la toile et dans le traitement de la couleur. Tout est mouvement, violence incisive, similaire à certaines figures espagnoles, violence cathartique et vitalité qui peuvent évoquer celle des danses des Caraïbes. « 

Gaston DIEHL – Critique d’art – Fondateur du Salon de Mai


Artiste dominicain immigré en France en 1978, José Castillo (1955-2018) a fait de sa double
existence géographique un aspect essentiel de son œuvre.

Une affirmation identitaire à l’étranger nourrit une pratique élargie de la peinture, en ce qui concerne, certes, le répertoire iconographique de ses tableaux mais également les médiums et les matériaux maniés par l’artiste. Sa peinture abstraite et ses mosaïques des années de formation aux Beaux-Arts de Santo Domingo (1976-1978) et à l’Ecole Nationale Supérieure
des Beaux-Arts de Paris (1981-1985), et du début de sa carrière, se transforment tout au long des années dans des performances diverses, des sons et des chants, des objets, etc. Au fur et à mesure qu’il diversifie sa production, ses travaux démontrent des intersections et se s’avèrent des gradations d’un unique geste, celui de José Castillo comme dominicain afro-descendant au sein de la société française.

Vivian Braga dos Santos – Chercheuse INHA