Las Papas

DU VÉGÉTAL À L’HUMAIN : GALERIES DE VISAGES EN « PAPAS »


José Castillo a déjà peint des chaussures, des vêtements, des meubles au rebut, des vieilles télévisions… Il a composé des sculptures et des installations avec des matériaux de récupération, des poupées, des cailloux, de la terre…

Aujourd’hui, ils nous présentent des figures peintes, avec front, sourcils, menton, yeux, nez, lèvres, bouches le plus souvent fermées mais quelquefois ouvertes sur des dents serrées. On ne peut pas juger de la taille car les photos de ces visages, comme en apesanteur, jaillissent maquillées de couleurs vives, sur un fond noir, pour nous fixer d’un regard qui se suspend, le temps d’une rencontre.

Les visages se présentent souvent seuls mais aussi par deux ou trois. Ils se présentent étrangement poétiques, faisant naître en nous d’abord de l’étonnement. Tête contre tête, regardant chacune dans une direction, ou duos, tête sur tête, vous fixant tous les deux. Parfois des structures en bois les soutiennent, les encadrent, ou les traversent de part en part, à la
hauteur des joues, du front, du nez. Les racines, surgies au fil du temps deviennent des chevelures excentriques, des cornes qui s’élancent du front, sortent d’un œil, de la bouche, ou des bras qui traversent les joues.

Ces figures nous semblent des partenaires consentants à la représentation et à la transformation. De quelle origine sont-elles ? Leur humanité habillée nous déconcerte et nous déstabilise. C’est leur regard qui humanise et qui invite à la rencontre. La plupart des figures ont un regard profond qui sollicite le contact, nous faisant signe. Ce sont leurs yeux qui abordent, interpellent et transfigurent l’émotion qui surgit alors : elle peut apaiser et garantir la méditation… Elle peut susciter un rire inattendu lorsqu’une figure nous livre sa déroute ou son étonnement devant, semble-t-il, sa métamorphose ! Quelques regards sont hallucinés, se présentant pétrifiés par ce qu’ils ont enregistré. Ils nous transforment à notre tour, alors, en
témoins privilégiés de la douleur intense qui brouille leur regard. Les visages, dans la nudité qui se révèle au-delà de la transformation, semblent danser à la vie, à la mort.

Ces têtes vieillissent, se recroquevillent avec le temps. Car la question du temps semble pour l’artiste au cœur de sa recherche. Il s’agit pour lui de VOIR, dit-il, d’étudier le processus dialectique de la vie et de la mort, du temps qui passe sur le corps humain, en lui permettant de s’inscrire, de manière équivalente, sur le végétal.

« Je m’attaque à un légume, symbole de l’Amérique Latine ; d’un aliment de base, je le détourne, je le cultive de jour en jour, je le suis dans son évolution ; on ne voit plus la pomme de terre ! »

Le monde végétal de la pomme de terre, si petit, est devenu par le travail de José Castillo un immense laboratoire des expressions et des émotions humaines, de l’ordinaire et de l’extraordinaire de l’humain.

Paris, 5 août 2010
Rosa Guimaraes

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